La journée d'étude
Cette journée d'étude, intitulée "Marginalité(s) choisie(s)", était organisée par deux doctorant.es de l'équipe de recherche AMERIBER (Amérique latine, Pays ibériques, EA3656).
Abstract de la communication
Scolarisation en occitan : enjeux d’une pratique à la marge de la norme nationale
L’occitan, comme toutes les langues dites « régionales » en France, a subi au cours des derniers siècles un phénomène de marginalisation, en ce qu’il est passé de langue maternelle et véhiculaire dans tout le sud de la France à patois oublié de la plupart des habitant.es de l’Occitanie linguistique devenus francophones natifs, et encore parlé seulement dans quelques poches éparpillées sur le territoire, principalement en milieu rural (OPLO, 2020). De surcroît, il subit actuellement un nouveau phénomène de marginalisation au sein même des langues dites régionales, en ce que cette langue et son territoire sont très peu connus du grand public (Agresti, 2020), souvent mal représentés dans les médias (Sarraute-Armentia, 2022) et bénéficient d’un soutien politique et financier moindre.
Si l’enseignement de l’occitan a retrouvé droit de cité à l’école de la République, où se développent par ailleurs des classes bilingues à parité horaire, les opportunités d’apprendre l’occitan – ou en occitan – restent rares et relèvent entièrement d’un choix personnel des familles. À cela s’ajoute un réseau d’écoles privées associatives, les calandretas, proposant un enseignement immersif en occitan (comme les écoles Diwan pour le breton, Ikastola pour le basque, ou encore Bressola pour le catalan), la modalité immersive n’étant pas autorisée dans l’enseignement public. Une autre particularité des calandretas est qu’elles appliquent la pédagogie Freinet. Entre pédagogie alternative, autogestion, engagement associatif et enseignement dans une langue territoriale autre que la langue officielle, les calandretas constituent ainsi une alternative à la marge de l’enseignement classique.
Sur la base d’un corpus constitué i) de 20 entretiens semi-directifs réalisés avec des parents d’élèves, élèves et anciens élèves, et ii) de 98 dessins d’élèves réalisés lors d’ateliers expérimentaux dans 2 classes calandreta et 4 classes bilingues, nous proposons d’étudier les mécanismes qui conduisent des familles vers des formes d’enseignement qui ne relève ni de la norme ni de la majorité. Afin de guider cette étude, nous émettons les hypothèses suivantes : a) ce choix peut s’inscrire dans une démarche de justice familiale, voire sociale, de retournement du stigmate, de l’auto-odi (Ninyoles, 1969) ; b) si l’occitan n’est pas toujours le motivateur premier de ce choix (attrait du bilinguisme cognitif, pédagogie alternative), la scolarisation des enfants en occitan s’inscrit dans une vision alternative de l’éducation et de la société tournée vers l’avenir, loin du repli identitaire dont elle est parfois accusée.
Références citées
Agresti, Giovanni. 2020. « Frontières et représentations en conflit. Le cas de l’Occitanie en 2019, entre espace linguistique et région administrative ». Comparative Legilinguistics International Journal for Legal Communication 42.
Ninyoles, Rafael Lluís. 1969. Conflicte lingüístic valencià: substitució lingüística i ideologies diglòssiques. Valence. Très i Quatre.
Office public de la langue occitane (OPLO). 2020. Langue occitane : état des lieux 2020 ; résultats de l'enquête sociolinguistique relative à la pratique et aux représentations de la langue occitane en Nouvelle-Aquitaine, en Occitanie et au Val d'Aran. https://www.ofici-occitan.eu/fr/restitution-des-resultats-de-lenquete-sociolinguistique/
Sarraute-Armentia, Marie. 2022. « L’occitan, kezako qu’es aquò ? Enjeux d’une minorisation, entre langue et territoire ». Conférence lors du séminaire « La Bretagne linguistique » le 20/05/2022 à l’université de Bretagne Occidentale (article en cours d’acceptation dans la revue éponyme). http://matesialofici.eklablog.fr/seminaire-la-bretagne-linguistique-a213719879
Notice biographique
Marie Sarraute-Armentia est doctorante en sociolinguistique à l’université Bordeaux Montaigne et au sein du Centre de recherche sur la langue et les textes basques IKER (UMR 5478), sous la direction de Giovanni Agresti. Sa recherche porte sur les représentations sociales : après avoir rédigé trois mémoires de master portant sur le tourisme japonais au Mont Saint-Michel, la parole féminine dans la littérature anglaise au tournant du XIXe siècle et les princesses Disney, elle travaille désormais sur les représentations sociales de l’occitan en milieu scolaire afin de trouver des leviers de motivation pour encourager les familles à inscrire leurs enfants en cours d’occitan. Cette recherche est financée par l’Office public de la langue occitane dans le cadre d’une convention CIFRE.
Contenu de la communication*
Bilan d'expérience
Comme l'an passé, cette journée a été une expérience très agréable et très intéressante. Elle m'a permis à la fois de rencontrer des doctorant.es, de découvrir leurs sujets de recherche, mais aussi d'utiliser une nouvelle grille d'analyse sur mes propres corpus, ce qui a été très stimulant au niveau de la réflexion pour ma thèse.
* il est possible que certaines diapositives ne soient pas totalement compréhensibles sans l'explication orale associée.