• Las representacions sociaus

    Per interagir dab lo monde, especiaument dab las autas personas dab las quaus nos cau interagir per víver, emplegam - shens ac saber - representacions sociaus : son imatges mentaus dau monde qui nos son transmesas per la societat, shens que sian necessàriament confòrmas a çò que podem conéisher dau monde mercés a la recèrca scientifica. La mira de ma tèsi es de recensar, estudiar e (espèri !) explicar las representacions sociaus de l'occitan qui an una influéncia sus las inscripcions en cors d'occitan a l'escòla, per tant que podóssem cambiar las eventuaus representacions negatius injustificadas de la lenga e atau, contribuir a l'arreviscolar.

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    Les représentations, qu'es aquò ?

    Contrairement à notre impression, ou notre intuition, nous n'interagissons pas avec le monde directement, sans filtre. Tout d'abord, nous interagissons avec notre environnement au travers de nos sens : nos organes captent des signaux que notre cerveau interprète, et à partir desquels il reconstitue une image, une représentation, du monde qui nous entoure. Pour Denise Jodelet, « [une représentation] est le représentant mental de l'objet qu'elle restitue symboliquement » (Jodelet, 2003 : 54), « une forme de savoir pratique reliant un sujet et un objet » (Ibid : 59)

    Cependant, cette image ne peut être que partielle, incomplète, voire, inexacte ou trompeuse. Ainsi, une personne atteinte de daltonisme et une personne malentendante n'auront pas la même représentations de leur environnement que des personnes à qui leurs sens fournissent des informations différentes. Mais même dans le cas des personnes dites "valides", l'image reste partielle. Pensez à Picasso et aux cubistes qui essayaient de représenter un objet sous toute ses coutures en une seule représentation : si le projet a du sens au niveau artistique, c'est bien parce qu'il essaie de pallier à une impossibilité physique. Nos sens ne captent qu'une partie des informations qui constituent le réel, et c'est sur la base de ces informations nécessairement lacunaires que nos formons nos représentations du monde, et c'est ensuite sur la base de cette forme de compréhension empirique de notre environnement que nous interagissons avec lui.

     

    Les représentations sociales : des représentations "socialement élaborées"

    Ainsi, nous possédons tous des représentations du monde, qui diffèrent en fonction de notre expérience, mais il existe également des types de représentations qui sont nommées "représentations sociales". Il ne s'agit cependant pas de simples représentations individuelles qui se retrouvent chez chaque individu du groupe (par exemple, on peut supposer que chaque citoyen.ne français.e a une représentation assez similaire de l'objet "sapin") ; non, les représentations sociales constituent une catégorie particulière, en ce qu'elles sont non seulement partagées par les membres d'un groupe, mais plus encore, elles sont co-construites par les membres de ce groupe dans un but de cohésion. « c'est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 2003 : 53). Ces représentations sont donc "sociales" car elles sont le fruit d'une activité elle-même sociale, mais aussi parce qu'elles portent principalement sur la société, voire, les sociétés, et visent une certaine cohésion de ladite société.

    En effet, pour faire société, les êtres humains ont besoin d'établir des règles communes, et cela n'est possible que si l'on partage en premier lieu des représentations communes« Les représentations participent d'un processus de définition de l'identité sociale » (Zarate, 1993 : 30). C'est ainsi par immersion dans le groupe que beaucoup de représentations portant sur les relations humaines, et notamment les comportements "normaux", nous sont transmises ; l'école publique constitue également un fort lieu de transmission de ces représentations. Aussi, les représentations diffèrent-elles « selon la société dans laquelle elles prennent naissance et sont façonnées. Partant, chaque type de mentalité est distinct et correspond à un type de société, aux institutions et aux pratiques qui lui sont propres » (Moscovici, 2003 : 84).

    Une autre particularité des représentations sociales est qu'elles ne nécessitent pas d'avoir été en contact avec leur référent dans le monde réel pour exister chez un individu. Par exemple, une personne n'ayant jamais été au Japon ou côtoyé de personne japonaise est tout de même fortement susceptible de posséder des représentations, probablement très stéréotypées mais néanmoins existantes, de ce pays et de ses habitant.e.s. Le stéréotype est ainsi une forme de représentation sociale, sous sa forme la plus simple, et malgré les connotations souvent péjoratives associées à ce terme, l'existence de stéréotypes n'est pas nécessairement à considérer comme une mauvaise chose en soi : ils sont en fait des sortes de "prêts-à-penser", de représentations utiles au premier contact, et qui ne demandent qu'à être étoffées par l'expérience.

     

    Les représentations sociales de l'Histoire

    En tant que récit des activités humaines, sociales, passées, l'Histoire telle qu'elle est connue du grand public, telle qu'elle est enseignée à l'école, est une forme de représentation sociale. En effet, si vous entendez "1515", vous répondrez sans doute sans même y réfléchir "Marignan !". Pourtant, savez-vous seulement ce que signifie "Marignan" ? Pourquoi apprend-on cette date à l'école ? Voire, avez-vous seulement appris cette date à l'école, ou l'avez vous entendu répéter tant de fois que vous l'avez assimilée comme étant, visiblement, une date clé de l'Histoire de France ?

    Et au final, qu'est-ce qu'une date clé ? Certains événements de l'Histoire sont-ils plus importants à transmettre que d'autres? Et d'ailleurs, pourquoi au juste apprend-on l'Histoire ?

    On dit souvent que l'on apprend l'Histoire pour éviter que celle-ci ne se répète. Pourtant, l'Histoire ne cesse de se répéter. De plus, il va de soi que l'on ne peut pas apprendre tout ce qui s'est passé dans notre pays "depuis l'aube de l'humanité" (pour reprendre une expression tant haïe par les profs de philo) ; il faut donc faire des choix. Ces choix, ils sont opérés, depuis longtemps, par le Ministère de l'Éducation Nationale : ce sont les programmes scolaires. Or, beaucoup d'historien.ne.s ont travaillé sur la question "Qui choisit l'Histoire que l'on apprend et pourquoi ?" et il se trouve que beaucoup d'éléments qui nous paraissent désormais fondamentaux et indispensables pour comprendre notre Nation, tels Vercingétorix et Jeanne d'Arc, sont en réalité des figures historiques qui ont été sélectionnées et mises en avant au XIXe siècle et au début du XXe siècle pour des raisons idéologiques : ces personnages permettent de raconter l'Histoire que l'on souhaitait alors mettre en avant, celle d'un roman national, d'un peuple français ancestral, qui combat les envahisseurs germains et saxons.

    Or, si apprendre l'histoire de Vercingétorix et Jeanne d'Arc ne nie pas en soi l'existence d'une autre Histoire, celle de la croisade des Albigeois, par exemple, cela signifie cependant que tout le monde connait les premiers ; c'est une Histoire qui est socialement partagée, alors que la connaissance d'autres événements relève d'une expérience plus personnelle de l'Histoire. Ainsi, cette Histoire de France à base de Vercingétorix et autres Jeanne d'Arc est désormais une représentation sociale  de notre Histoire : elle est partagée par toutes et tous, et transmise telle quelle aux générations suivantes sans que l'on ne remette nécessairement en question ses fondements ou son utilité.

     

    Les représentations sociales des langues

    Ce roman national, c'est aussi l'Histoire des langues parlées sur le territoire français, ou plutôt, l'Histoire de la langue française comme langue commune (à défaut d'en être la langue unique) de la Nation française.

    Car en effet, bien que nous ayons toutes et tous au moins une langue maternelle, et que nous en ayons généralement appris (au moins) deux autres à l'école, nos représentations des langues ne découlent pas seulement de notre expérience personnelle. Ainsi entend-on souvent que les langues latines sont les langues de la farniente, alors que l'allemand est une langue ordonnée, qui permet d'exprimer clairement une pensée, et donc notamment, de faire de la philosophie. Mais les personnes qui disent cela, qui transmettent ces représentations à leur entourage, parlent-elles seulement italien, espagnol, portugais, catalan et allemand ?

    Ainsi possède-t-on des représentations sociales aussi bien sur les langues que nous parlons que sur celles que nous ne parlons pas. Et ces représentations façonnent nos attitudes vis-à-vis de ces langues : quelle langue nous parlons dans tel ou tel contexte, quelle(s) langue(s) nous apprenons et pourquoi...

    Or, nous l'avons vu plus haut, les représentations sociales ne sont pas toujours très fiables : l'on peut transmettre et perpétuer des récits qui relèvent de choix idéologiques, ou d'une connaissance seulement partielle des faits. Par exemple, on entend régulièrement dire que "c'est parce que les gens ont arrêté de parler les langues régionales qu'elles ont disparu ou sont en train de le faire". Or, si cette affirmation n'est pas fausse en soi (c'est bien quand la langue n'est plus parlée qu'elle disparait), cette sentence quelque peu laconique tend à laisser penser, par simple inférence, que la faute repose ici sur les locuteurs et locutrices elleux-mêmes, ce qui occulte les nombreuses raisons sous-jacentes de leur choix, comme par exemple le fait que l'État français et ses fonctionnaires aient cherché pendant plus d'un siècle à faire disparaître ces langues régionales, notamment en en interdisant totalement l'usage à l'école (règle qui fût souvent appliquée localement au travers de punitions humiliantes). Pour donner un autre exemple, on entend également dire que "les langues régionales ne servent à rien". Or, la connaissance scientifique du monde, obtenue par de nombreuses observations, expériences et autres catalogages, ne permet pas d'être aussi catégorique : en effet, il est prouvé que le bi-plurilinguisme, quelles que soient les langues en présence, apporte des bénéfices culturels et cognitifs à un enfant ; de plus, les langues dont la pratique est ancrée de manière ancienne sur un territoire documentent souvent de manière précise les spécificités de ce territoire (par exemple, la toponymie encode souvent les particularités du terrain auxquelles il faut faire attention, telles que des zones propices à des effondrements, des zones marécageuses, etc) ; bien d'autres arguments pourraient être ajoutés ici, il ne s'agit que de quelques exemples.

    Ainsi est-il possible que certaines de nos représentations sociales des langues soient en décalage avec la réalité telle qu'elle est décrite par la science. Par exemple, il est probable qu'une partie de la population française possèdent des représentations négatives de l'occitan (et des langues régionales en général) basées sur une interprétation sélective et fortement idéologique de l'Histoire de France. Aussi est-il important de mesurer cet écart entre représentations et documentation de la réalité et d'en comprendre les raisons afin, espérons-le, de pouvoir le réduire.

    C'est ici l'objectif de la thèse que je réalise actuellement au sein de l'Office public de la langue occitane : il s'agira pour moi de recenser, étudier et, dans la mesure du possible, expliquer, les représentations sociales de l'occitan qui influencent le choix des familles d'inscrire, ou non, leurs enfants en cours d'occitan, afin, dans un second temps, de réfléchir à des moyens de réduire l'écart éventuel entre certaines de ces représentations et la connaissance scientifique de cette langue, et ainsi encourager son enseignement et participer à sa revitalisation.

     

    Pour avoir savoir plus sur les représentations sociales

     

     

     

    Quelques références

    CITRON, Suzanne (2019), Le mythe national: l’histoire de France revisitée, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier - Les Éditions Ouvrières (coll. « L’Atelier en poche »).
    DE COCK, Laurence et PICARD, Emmanuelle (2009), La fabrique scolaire de l’histoire: illusions et désillusions du roman national, Marseille, Agone (coll. « Passé & présent »).

    JODELET Denise (2003), « Représentations sociales : un domaine en expansion », in JODELET Denise (dir.), Les représentations sociales, Paris, Presses Universitaires de France, pp.47-78.

    MOSCOVICI Serge (2003), « Des représentations collectives aux représentations sociales : éléments pour une histoire », in JODELET Denise (dir.), Les représentations sociales, Paris, Presses Universitaires de France, pp.79-103.

    ZARATE Geneviève (1993), Représentations de l'étranger et didactique des langues, Paris, Didier.


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